Notre patrimoine immatériel en péril.
Quand on parle de patrimoine, la plupart des gens pensent d’abord au patrimoine bâti : châteaux, cathédrales, manoirs… toutes ces constructions de prestige que nous devons au clergé et à la noblesse d’avant la révolution puis à l’aristocratie de l’argent née de l’industrialisation. Pendant très longtemps, on s’est peu soucié de la créativité et de l’ingéniosité des paysans, artisans ou petits bourgeois. C’est pourtant à eux que l’on doit le caractère fortement marqué des régions françaises, grâce au savoir faire acquis au cours des siècles, savoir faire dans la construction des maisons adaptées au terrain, au climat et construites avec les matériaux trouvés sur place. C’est aussi à eux que l’on doit tous les petits édifices caractéristiques que sont les moulins, lavoirs, fontaines, fours, chapelles et calvaires qu’on a mis longtemps à considérer comme éléments de notre patrimoine. Un grand nombre d’associations de sauvegarde ce sont créées dans les années 70-80, elles ont fait prendre conscience aux particuliers et aux décideurs qu’il était temps d’agir pour sauver ces petits édifices ruraux. La création de l’année du patrimoine en 1984 leur donnait raison.
Aujourd’hui, un autre patrimoine risque de disparaître si on n’y prend pas garde. Pour lui aussi, de nombreuses associations se mobilisent pour le sauver et le faire connaître, il s’agit du patrimoine immatériel, oral, issu du peuple, patrimoine que constitue pour nous, gens du sud de la Loire, la langue occitane sous toutes ses formes d’expression et tous ses dialectes.
Sa transmission, qui se faisait autrefois au sein même de la famille, ne se fait plus. Va-t-on jeter aux oubliettes nos chansons, nos contes, nos légendes, nos histoires, nos danses et nos musiques traditionnelles, tous nos us et coutumes alors même qu’ils ont souvent inspiré nos plus grands artistes, peintres, écrivains, musiciens ?
L’enseignement obligatoire, l’école de la République et les lois Jules Ferry termineront l’œuvre de François 1er[1]. En bannissant toutes les langues régionales de l’école, les hussards noirs de la République contribueront à l’ocultation du patrimoine oral traditionnel de nos régions.
La prise de conscience du risque que ne disparaisse à jamais tout ce patrimoine immatériel ne date pourtant pas d’aujourd’hui !
« Les notables et industriels des années 1830-1840 avaient pris conscience des transformations rapides qui se déroulaient à leur époque sous l’influence de facteurs nouveaux dont l’enseignement primaire et l’industrialisation. Déjà à l’époque, au contact d’une population qui vivait au rythme de l’ancienne civilisation agraire, ils se rendaient compte qu’il était temps de sauver de l’oubli progressif les monuments, les usages, les coutumes, les superstitions, avant qu’il ne soit trop tard. De 1792 à 1845 nombreuses sont les créations qui montrent le souci de préserver le patrimoine national : Archives nationales (1794), Ecole des Chartes (1821) … »
D’après Alphonse Lamarque de Plaisance.
Jacques Thomas Alphonse Lamarque de Plaisance,[2] un Marmandais parmi les premiers qui ont oeuvré pour la sauvegarde du patrimoine oral.
Né à Marmande le 22 juin 1813, il publie en 1845 un livre sur « Les usages et chansons populaires de l’Ancien Bazadais »[3]
Il est certes plus connu comme premier Maire d’Arcachon, lorsque la commune fut créée le 2 mai 1857 (il le restera 10 ans) que comme un des premiers « folkloriste ».
Ce terme n’est en fait utilisé qu’à partir de 1885 pour désigner une personne qui étudie les questions de Folklore[4] : science des traditions, usages, croyances, légendes, chansons et littératures populaires. Le terme aurait été utilisé pour la première fois, le 22 août 1846, dans la revue française l’Athénaeum. En 1845 Lamarque de Plaisance faisait donc du Folklore sans le savoir comme Théodore Hersart, vicomte de La Villemarqué qui quatre ans plus tôt, en 1840, avait publié ses célèbres « Barzas-Breiz. Chants populaires de la Bretagne ». L’engouement du public cultivé pour les chants populaires a commencé par la Bretagne avec l’œuvre de La Villemarqué qui connaitra une deuxième édition en 1846.
[1] L’édit de Villers Cotterêt du 15 août 1539 François 1er imposait le parler de l’Ile de France comme langue officielle du royaume. C’est l’acte fondateur de la primauté et de l’exclusivité du français dans les documents relatifs à la vie publique du Royaume de France. Le « français », patois d’île de France, devient langue officielle du droit et de l’administration en lieu et place du latin et des autres langues du pays.
[2] Alphonse Lamarque de Plaisance a été Maire de Cocumont puis de Gujan Mestras et enfin 1er Maire d’Arcachon.
[3] L’ancien Bazadais occupait une partie du Lot et Garonne. Cocumont, Samazan, Argenton, entre autres, faisaient partie de l’ancien Bazadais
[4] Folklore mot anglais formé avec folk, peuple et lore, science